Ce week-end d’élections qui
s’annonce en Russie est déjà écrit d’avance, les administrations du pays ont
reçu consigne de tout faire pour que la parti du Président Russe remporte une
large victoire avec un taux de participation élevé. La messe est donc dite,
soit les citoyens s’exécutent et se déplacent en masse daignent déposer
le bulletin qui leur aura été fourni dans l’urne généreusement installée sur
leur lieu de travail, soit les urnes seront « bourrées », point.
Vu sous cet aspect Poutine et
sa clique sont en passe de refaire passer la Russie sous un régime dictatorial.
Notre bon Président français,
passionné de droits de l’homme, comme son dernier voyage en Chine l’a bien
confirmé, semblait condamner l’indulgence de Chirac envers le chef du Kremlin
"Quand je pense que ceux qui me reprochent de rencontrer Bush sont ceux
qui serrent la pogne de Poutine, ça me fait doucement rigoler."
Finalement et dès sa première sortie internationale en temps que chef de l’Etat,
Sarkozy sortait tout « ému » d’une réunion avec son homologue russe.
On a beaucoup écrit et entendu au
sujet de cette intervention mais force est de signaler que, au-delà des
quelques premières minutes le Président a tenu un discours tout à fait cohérent
et surtout et c’est ce que j’en retient, beaucoup plus compréhensif vis à vis
de la Russie que ce que ses déclarations précédentes avaient laissé entendre.
Alors que se passe-t’il ?
Déjà Sarkozy n’ayant ni connaissance profonde des dossiers internationaux, ni
conviction profonde quand à la place de la France sur la scène mondiale, s’est
retrouvé dans la situation d’un apprenti vendeur face au plus expérimenté des
acheteurs. Dont acte. Le baptême du feu international de Nicolas aura de ce
point de vue été éloquent. Mais au delà de ce manque d’expérience il s’agit
surtout de l’extrême ambiguïté de la politique française et européenne vis à
vis de la Russie qui est mise en valeur. Partagé entre un alignement décidément
trop systématique sur Washington et la real-politique qui fait, depuis des
siècles et pour l’avenir, de la Russie le partenaire naturel et essentiel de
l’Europe, le président français, tout comme les allemands d’ailleurs, ne sait
tout simplement plus comment aborder Poutine ce « dictateur » qui
nous est si indispensable.
Le bilan de Poutine en Russie est
très impressionnant sur le plan économique. Bien entendu la hausse des prix du
pétrole n’est pas étranger à ce succès mais il ne faut pas perdre de vue que,
contrairement à son prédécesseur, Poutine a su remettre la machine économique
du pays au service de ce dernier et non pas à la seule disposition de quelques
oligarques. Après les périodes de vaches maigres du début de premier mandat,
destinées à remettre l’économie en marche alors que la Russie avait atteint la
banqueroute, le président russe a, comme il s’y était engagé, entrepris de
réinvestir dans l’éducation, l’aide sociale et les salaires des fonctionnaires
sont de nouveaux payé. La manne pétrolière sert aussi à étendre l’influence
économique russe et, plus récemment, à restaurer la puissance de l’appareil
industriel, essentiellement à travers des partenariats avec l’étranger.
Bref, et le vrai, large soutient
populaire dont il bénéficie en atteste, Poutine a offert au peuple russe ce
qu’il attendait le plus : du pain ! ….restait à organiser les jeux….
Et c’est bien sûr là que la
Tchétchénie intervient. Pilonner les villes, massacrer les populations, violer
les femmes, torturer les hommes, voilà un spectacle parfaitement dignes des
jeux du cirques remis au goût du jour avec des moyen modernes.
Alors voilà la cause de l’homme
est entendue, Poutine est un dictateur sans foi ni loi qui a mis le pays en
coupe réglée en donnant pitance à la population tout en en écrasant une autre
pour le plaisir de la première.
Mais les choses sont-elles si
simples ? A t’on déjà oublié la politique d’encerclement voulue et mise en
place par Bush avec dans certains cas le soutien de l’Union
Européenne (Ukraine, Géorgie…)? Dès son arrivée au pouvoir, le président
américain, obsédé par la mauvaise réécriture que les néos-cons avaient fait de
l’œuvre de Brezinsky (Le grand échiquier) a cherché par tous les moyens à
entourer la Russie de bases militaires américaines et de régimes amis. Cette
politique semblait d’autant plus facile à mettre en œuvre que, la guerre froide
terminée, la Russie était considérée comme n’ayant plus les moyens de s’opposer
à la toute puissante volonté de Washington.
Poutine et son entourage sont
presque tous issus de l’ex KGB, aujourd’hui le FSB. Ces gens là ont vécu
pendant des décennies avec en tête l’obsession justifiée des tentatives de
déstabilisation occidentale. Comment pourrait-on croire que ces mêmes hommes
qui ont vécu, de l’autre côté du mur, les manipulations de la CIA visant à
mettre en œuvre la politique d’ « endiguement » ne soient pas
paniqués à l’idée de voir l’histoire se répéter alors même que la nouvelle
version de cette politique est affichée par la maison blanche et que la Russie
se trouve en position de faiblesse ?
La réponse prévisible à cette
« agression » a été un renfermement sur soi d’un état se trouvant
écartelé entre un complexe d’infériorité (les années 90) et autre de
supériorité (la Grande Russie) . Toute opposition intérieure ou au sein de
la « zone d’influence » du pays a alors commencé à être considérée
comme une manipulation occidentale potentielle visant à l’affaiblir. Il suffit
de regarder ce qui se passe au sujet du bouclier antimissile que les américains
cherchent à tout prix à déployer en Europe de l’Est. Moscou, se sentant
légitimement menacé par cet arsenal, vient de choisir de se retirer du traité
FCE (Forces Conventionnelles en Europe).
Chaque action engendre une
réaction, il en est de même dans le cadre des relations des occidentaux avec la
Russie. Il n’est pas question de dédouaner Poutine des responsabilités, graves,
qui lui incombent sur le non respect des droits de l’homme et des principes
démocratiques. Il est par contre urgent de revoir notre politique russe, de
traiter ce pays pour ce qu’il est, un grand Etat, à l’histoire glorieuse, plein
d’avenir (voir le concept des B.R.I.C.) et de fait très influent. Vouloir persister
dans une politique d’encerclement que ce soit à travers les anti-missiles,
l’extension de l’O.T.A.N. ou de l’U.E. ne fera que renforcer le sentiment de
persécution russe et la régression démocratique qui s’en nourri.
Traitons la Russie avec respect,
mettons lui en main un accord qui consisterait à rapprocher non seulement les
économies (c’est en cours) mais aussi les défenses russes et européennes. Nous
permettrons alors d’ « indépendantiser » la défense européenne,
premier pas vers son renforcement en donc vers une politique étrangère
européenne. En échange nous exigerons, cette fois légitimement et en confiance,
une re-démocratisation de la Russie.
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