Depuis la semaine dernière
et refus de Jean-Claude Trichet de baisser les taux directeurs, les marchés
s’acharnent sur le Président de la Banque Centrale Européenne voyant en lui ou
bien un ayatollah de la monétarisation ou pire encore un dangereux
intransigeant incapable de réagir aussi vite que la très exemplaire Fed
américaine…
Je pense pour ma part que
Trichet a raison de ne pas baisser les taux, je vais essayer de vous
l’expliquer de manière suffisamment concise pour que vous ayez le temps de lire
avant de m’égorger….
1/ La crise du crédit n’est
pas liée au coût de l’argent
La situation économique
actuelle n’est pas née d’une baisse de la consommation, elle a au contraire
encore fortement augmenté sur l’ensemble de 2007 aux Etats-Unis comme partout
ailleurs. Non, ce qui a déclenché cette crise est la perte de confiance des
acteurs financiers entre eux. Parfaitement au courant des pratiques douteuses
voire, dans certains cas, frauduleuses, qu’elles avaient mise en place pour
« refourguer » du crédit y compris à ceux qu’y ne pourraient pas le
rembourser, les organismes de crédit sont également parfaitement conscients des
risques encourus et refusent désormais de se prêter mutuellement, contrairement
ce qui se pratiquait jusque là. Ce phénomène a été amplifié par la titrisation
qui rend plus opaque encore les positions de chacun. Au final nous sommes dans
une crise de liquidité et non pas du coût de
l’argent, baisser les taux dans un tel contexte reviendrait à « donner une
aspirine à un cancéreux » (désolé j’ai perdu la source).
2/ L’inflation n’est pas
morte
Quand à l’inflation,
certains veulent croire que sa principale source, à savoir l’envolée du prix
des matières premières liée aux croissances des pays en développement, serait
sur le point de se tarir avec le ralentissement économique occidental. Que
nenni ! Certes nous devrions voir certains prix baisser relativement dans
les prochains mois. Les spéculateurs devraient s’éloigner de ressources telles
que le pétrole devenues plus risquées, on estime leur poids dans les niveaux
actuel de l’or noir à 20/30%, soit mais alors le brent étant aujourd’hui à 91$
son niveau le plus bas s’approcherait des 60/70$ au mieux, rappelons que son
juste prix était considéré être de 25$/baril il y a quelques années seulement.
Quand à voir la consommation baisser suffisamment en occident pour permettre à
l’Inde et à la Chine d’avoir leur part du gâteau sans que le prix de celui-ci
n’explose, n’y comptez pas, maintenant qu’ils ont des voitures à 1500€, nos
amis asiatiques voudront les faire rouler !
Inflation ou stagflation ?
La question est donc de
savoir si, alors que l’économie mondiale ralenti, nous pouvons nous permettre
de prendre le risque d’entrer en stagflation (croissance nulle et prix en hausse)
ou même en récessflation (croissance négative et prix en hausse), comme cela
pourrait bien être le cas aux Etats-Unis ?
3/ Nous sommes en excès de
liquidités
Depuis 2001 et Greenspan la
Fed a pris l'habitude de tailler à la hache dans les taux d'intérêt au moindre
soucis. C'est d'ailleurs ce que Bernanke s'était interdit de faire alors qu’il
entrait en fonctions. En baissant les taux d'intérêt et donc en favorisant la
création monétaire les banques centrales prennent le risque de relancer
l'inflation et d'encourager la spéculation (par la mise à disposition de
liquidités excessives), de 2001 à 2005 le système a fonctionné en temps masqué,
la bulle immobilière créait de la croissance (avec peu d'emploi) tandis que
l'inflation n'existait pas (ou était invisible) grâce à des prix chinois
toujours plus bas. L'américain lambda croyait s'enrichir grâce à l'immobilier
et donc plus grâce à son travail et son revenu...Mais il n'y a pas de "free
lunch" comme le dit l'excellent Ritholtz et le prix de l'excès de
liquidité (placé dans des prêts immobiliers accordés à des consommateurs non
solvables) est chèrement payé par les américains aujourd'hui.
La aussi, abaisser les taux
correspondrait à relancer la machine a crédit et la spéculation immobilière,
bref ce serait reculer pour mieux sauter…
4/ Il faut 6 mois pour
qu’une baisse des taux produise ses éventuels effets.
Il y a cinq mois que Ben
Bernanke a démarré sa nouvelle politique de baisse ultra agressive des taux, le
résultat ?
Les marchés boursiers sont
en chute depuis le début de l’année. Les mêmes économistes qui excluaient toute
récession en Septembre, comptant notamment sur la légendaire réactivité de la
banque centrale américaine, reconnaissent aujourd’hui ce qui n’est plus qu’une
évidence, nous sommes en récession aux Etats-Unis…dans le meilleurs des cas on
n’y est pas encore mais on y file tout droit, la différence ?).
Dans le même temps les
banques elles-même qui nous assuraient que les subprimes, en raison des montant
en jeu, relativement faibles c’est vrai, ne les affecteraient que peu et pas en
tous cas dans les proportions prises et qui sont ne l’oublions pas, qu’un début.
Quoi qu’il en soit
l’intervention de Bernanke à la fin de l’été n’a pas évité l’entrée des USA en
récession, tout comme celle de la semaine dernière n’a pas mis fin à la panique
boursière. Le dollar lui a par contre perdu 8% depuis Septembre…
5/ Les fonds souverains sont
à l’affût
Dans un contexte ou les
entreprises occidentales sont ou vont être fragilisées par le ralentissement
économique, la faiblesse du dollar facilite encore plus la tâche des fonds
souverains en réduisant le prix des proies d’un tiers par rapport aux sociétés
européennes.
Il n’y a qu’a regarder la
liste des sociétés qui ont en été la cible ces derniers mois. Certes l’Euro
fort pèse sur la compétitivité des entreprises européennes mais seulement d’un
manière relative et ce pour trois raisons : nos exportations sont
essentiellement intra-européennes d’une part, d’autre part la force du dollar
limite l’inflation des matières premières au premier rang desquelles le
pétrole, enfin les grosses sociétés sont déjà très largement implantées sur les
autres continents y compris en zone dollar, elles sont tout à fait à même de
compenser l’essentiel des écarts de change.
Une chose
est certaine, le premiers des principes du patriotisme économique n’est pas
d’avoir une monnaie bradée et de livrer ainsi nos entreprises à la merci des prédateurs…
Un autre kiwi s'exprime sur le sujet: careagit
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