Bien entendu il ne fait pas bon être spécialisé dans la construction de maisons individuelles actuellement aux Etats-Unis. Entre des ventes qui n'en finissent plus de s'effondrer, un stock de 4 millions de maisons disponibles, les prix de vente en berne et des coûts de matériaux qui ne cessent d'augmenter on peut aisément comprendre que certains en aient le vertige....
Je déteste les prospectus que les téméraires déposent sur le pare-brise de ma voiture, c'est mon côté macho-conservateur qui ressort, ma voiture tu touches pas, surtout pour y déposer un torchon fusse-t-il en papier glacé. Alors mon premier réflex en découvrant ce matin une plaquette sur mon magnifique S.U.V. Kia de location (je sens qu'il va y avoir des jaloux) a été de jeter avec mépris le triptyque plastifié sur le tapis du siège passager.
C'est en remontant dans mon véhicule ce midi et donc nettement mieux réveillé que je me suis hasardé à jeter un œil sur la couverture: "Devenez propriétaire avec un apport de 500 dollars seulement!". J'ai d'abord cru à un poisson d'avril, le malheureux (et téméraire n'oublions pas) mexicain illégal chargé de la distribution aura tout bonnement décidé que cette année le premier et bien finalement ce serait le quatre (ce n'est pas rare chez les latinos-américains pour qui demain veut souvent dire la semaine prochaine). Et pourtant non, ce n'était pas ça mais notre lauréat du jour, j'ai nommé: Bigelow Homes!
Visiblement pas le moins du monde affolé par les conséquences des excès de ces dernières années, ceux qui consistaient à prêter des fortunes à des infortunés sans même un apport et qui nous ont tout droit mené ou nous en sommes aujourd'hui c'est à dire au bord d'un gouffre, le constructeur vous propose donc de financer votre cage à lapins avec $500 d'apport.
Bon, passons sur le sérieux de l'offre car comme toujours dans ce genre d'attrape nigaud, ce sont les petites lignes en bas là, vous savez celles que l'on arrive à peine à déchiffrer, ce sont ces lignes là qu'il faut lire avec le plus d'attention, donc en dessous du sous-titre: "Vous pouvez être propriétaire pour $994 par mois" l'on peut lire:
*Principle and interest only. Based on a 6% interest rate [...]. Qualification based on a 43% dept ratio.
Traduction:
*Principal et intérêts seulement. Basé sur un taux d'intérêt de 6% [...]. Qualification basée sur un taux d'endettement de 43%.
Et oui l'exemple est basé sur un taux d'endettement de 43%, à partir de là j'aurai put traduire plus librement de la façon suivante: "t'as déjà plus un rond et bien on va te piquer tout ce qu'il reste" ou encore: "tu peux pas payer? Pas grave, je vais revendre ton crédit à une banque que la Fed s'empressera de renflouer...avec de l'argent qu'elle n'a pas"
Enfin notre vainqueur en rajoute une couche et pour bien vous convaincre que c'est le moment d'acheter nous propose le calcul hautement scientifique suivant (cliquez pour agrandir):
Pour résumer le tableau de gauche calcule l'évolution de la valeur de votre bien au fur à mesure des années et en fonction de sa valeur de départ, le tableau de droite calcule l'évolution du montant de mensualités locatives en fonction de l'inflation.
Une fois de plus le plus intéressant est écrit en tout petit sous le tableau:
sous le tableau "propriétaire": "Valeur de la maison avec une hausse de 4% de sa valeur (annuelle)
sous le tableau "locataire": "Evolution des mensualités avec 4% d'inflation"
Ma-gni-fique! Le calcul suppose donc un taux d'inflation de 4% qui ferait augmenter le coût du loyer pour l'un mais qui valoriserait la maison de l'autre d'autant comme si dans son cas l'inflation n'existait pas. Rappelons que si la hausse des prix est de 4% par an et que votre bien s'enchérit d'autant c'est tout simplement qu'il ne prend pas de valeur!
Plus beau encore, rappelez-vous plus haut: "*Principal et intérêts seulement. Basé sur un taux d'intérêt de 6%": conclusion: non seulement votre maison ne vaudra pas un kopekc de plus dans cinq ans mais vous devrez en plus débourser 6% d'intérêts annuels soit quasiment l'équivalent d'un an de loyer la première année.
Bigelow Homes à donc amplement mérité ce prix du culot, quand à ses clients gageons qu'ils feront bonne figure au concours des gogos.
La chaine alimentaire au complet :
Le constructaur, le "mortgage broker", le "home appraiser", la banque qui transforme les hypothèques en MBSs, la banque qui transforme les MBSs en CDOs, puis en CDOs de CDOs, assaisonnée d'une pincée de AAA saupoudrée par les agences de rating.
La latino qui distribue les pubs et l'acheteur sont peut-être la même personne. Expliquer au étasuniens que dans "mortgage" il y a "mort", engagé jusqu'à la mort - en français on dit "jusqu'à l'os".
Rédigé par : all | 04 avril 2008 à 11:48