Les stratèges de la banque Merrill Lynch, David Rosenberg et Richard Bernstein s’accordent à dire que le ralentissement actuel de l’économie américaine « est hautement semblable au cycle de la fin des années 80 »
Je vous en propose ici une traduction simplifiée suivie de mes commentaires:
1/ Consommation :
Les années 80 ont vu un cycle de croissance de longue durée soit 35 mois consécutifs d’expansion. Nous en sommes aujourd’hui à 62 mois.
Graphique
1 : Un cycle qui se meurt avec la consommation
Evolution
trimestrielle de la consommation, annualisée.
2/ Dette des ménages :
Depuis le début du cycle actuel de croissance le ratio de la dette des ménages vis-à-vis des revenus est passé de 100% à 136%. Ce qui signifie que les consommateurs ont accumulé plus de dette sur les six dernières années que sur les quarante années précédentes !
Au cours de la décennie 80 le ratio était passé de 65% à 84%.
Graphique
2 : Les ménages surendettés
Ratio
dette des ménages sur revenus, %
3/ Taux de la Fed :
Les cycles des taux de la Fed des années 80 et d’aujourd’hui sont quasi identiques. Plusieurs années de taux exceptionnellement accommodants suivis d’un cycle de resserrement agressif provoquant un ralentissement de l’économie suivi d’un nouvelle baisse de la part de la Fed.
Graphique
3 : Des courbes de taux presque identiques
Taux
de la Réserve Fédérale (Fed)
4/ Taux de chômage
Comme dans les années 80 nous sommes dans une période de pénurie de main d’œuvre qualifiée. Comme le montre le graphique, une fois que la courbe s’inverse la récession n’est pas loin.
Graphique
4 : Le taux de chômage recommence à augmenter
5/ Cours du dollar
On s’aperçoit de la similarité des courbes des deux décennies qui ont vu une dépréciation de la monnaie américaine.
Graphique
5 : cours nominal du dollar face aux principales devises
6/ Cours de l’or
Dans les années 80 les menaces d’inflation venaient de l’augmentation des matières premières et d’une croissance économique mondiale. C’est également le cas aujourd’hui. Les causes de la hausses de l’or aujourd’hui pourraient être quelque peu différentes mais là encore la ressemblance des courbes est frappante.
7/ Avènement d’une nouvelle puissance économique
Alors que le Japon s’imposait comme une puissance majeure dans les années 80, c’est aujourd’hui au tour de la Chine.
Graphique
7 : Les marchés d’actions asiatiques en plein boom
8/ Prix de l’immobilier individuel
La aussi la ressemblance est surprenante. Après des années d’extension massive du crédit et de surconstrution nous sommes passés dans une phase de d’érosion du crédit, de nettoyage des stocks et de ralentissement des prix (jusqu’à un début de baisse aujourd’hui).
La bulle récente a cependant été beaucoup plus massive.
Enfin, dans les deux cas le cycle de croissance a été dominé par la construction individuelle et a fini avec elle.
Graphique
8 : évolution des prix de l’immobilier
Graphique
9 : Stock de maisons individuelles
La situation aujourd’hui ressemble donc bien à si méprendre à celle de la fin de années 80 précédant la récession. Une différence notable cependant : la situation est bien pire aujourd’hui, reprenons les éléments fournis par Merrill Lynch:
L’endettement des ménages en est à 136% du revenu contre 84% alors.
Les taux les plus élevés de la Fed dans le cycle actuel n’ont pas dépassé les 5% contre 9,5% fin 1988. La Banque Centrale Américaine a donc aujourd’hui beaucoup moins de « cartouches » qu’a l’époque pour relancer l’économie. La faiblesse du dollar actuelle étant elle aussi bien pire (1€=1,42$ aujourd’hui contre 1,20 en 1988) la Fed est, là aussi, limitée dans sa marge de manœuvre.
Les prix atteints par l’immobilier ont été bien plus excessifs récemment que dans les années 80, l’effondrement des cours devra donc être plus violent et plus long pour nettoyer les stocks et donc recommencer à bâtir.
Ajoutez à cela:
un endettement public américain à son plus haut historique et un déficit commercial abîssal.
Le dépenses militaires. Les Etats-Unis des années 80 dépensaient beaucoup en armement dans le cadre de la guerre froide mais le coût financier des guerres d'Afganistan et d'Irak ne permet pas de renforcer l'armée US, il la ruine!
Enfin abordons le contrôle du dollar, monnaie dominante et sans partage jusqu'ici, elle est aujourd'hui menacée de toutes part. Alors qu'il y a 20 ans la devise « le dollar c'est notre monnaie mais votre problème » s'appliquait fort justement, la situation a désormais radicalement changé.
La dette US n'est plus exclusivement détenue par des pays alliés. La Chine, adversaire stratégique, est aujourd'hui le principal détenteur de billets verts et n'a pas caché sa volonté de s'en servir comme arme de dissuasion face aux menaces de protectionnisme.
L'apparition de l'Euro a boulversé le paysage monétaire en permettant à de nombreux Etats de diversifier leurs réserves afin de s'assurer une plus grande indépendance stratégique et une sécurité économique accrue.
Le Yen japonais devrait être réévalué dans les mois qui viennent à la suite d'un changement de politique de la Banque Centrale du pays dont les taux d'intérêts réels sont actuellement négatifs.
De plus en plus de pays découplent leur monnaie d'un dollar devenu trop faible et qui provoque ainsi une inflation malsaine (Koweit, Arabie Saoudite...)
Last but not least, certains pays pétroliers cherchent à commercialiser leur "or noir" en une autre monnaie que le dollar
On le voit, tous les indicateurs sont dans le rouge. Pour ma part je considère que les Etats-Unis sont entrés cet été dans la pire recession de leur histoire dont les aspects les plus frappants seront la chute vertigineuse du dollar et une inflation galopante.
L'Europe et l'Asie, beaucoup moins dépendantes des US et notoirement plus fortes que ce que l'on ne pense en sortiront (relativement aux USA) renforcées concrétisant ainsi les prédictions d'Emmanuel Todd d'une décomposition de l'Empire américain. (voir dans dans ce blog la rubrique « j'ai aimé »)
Il serait faux de croire que l'administration Bush n'aurait pas conscience de ces faits et de leur implication. C'est bien là tout le danger. Un empire voyant sa toute puissance à ce point menacée se battra avec l'énergie du desespoir.
Vous avez aimé l'Irak, vous adorerez lemondequivient.
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